Manifestation des professions réglementées, le 10 décembre 2015. Environ 30.000 juristes (avocats, huissiers, notaires, commissaires-priseurs, greffiers des tribunaux de commerce, mandataires et administrateurs judiciaires) de la France entière ont défilé à Paris, pour s'opposer au projet de loi dit "Macron" visant à réformer ces professions.
Avec Sophie et Claire diplômées notaire, travaillant dans l'Oise et dans le Calvados.
Je suis une jeune diplômée notaire en colère ! Et doublement en fait !
Je suis évidemment POUR une réforme qui améliore la profession que j’ai choisie, c'est-à-dire :
Ø une réforme qui préserve les valeurs de mon métier : une mission de service public et de prévention des conflits, exercée par un juriste de proximité, garant d’une certaine paix sociale, acteur de la sécurité juridique des citoyens.
Ø Une réforme qui modernise le notariat,
Ø Une réforme concertée, pilotée par le ministère de la justice et non par celui des finances…
« Je n’ai plus à énoncer ma conviction que le droit n’est pas une marchandise, que ces professions exercent des missions déléguées par la puissance publique, qu’à ce titre elles doivent être encadrées. » Mme Christiane Taubira, Garde des sceaux [1].
EN COLERE face à la démagogie ambiante et les clichés surannés dont le notariat est la cible !
D’où vient ce leitmotiv : nantis rentiers privilégiés, que sais-je encore ?
D’une connaissance de la définition des mots employés ? Sûrement pas, car pour rappelle le notaire travaille et ne vit pas de "ses rentes".
D’une lecture approfondie de Balzac (je pense au « Contrat de mariage » ou au « Colonel Chabert ») ou encore de Flaubert ( « Dictionnaire des idées reçues »); lecture associée à une analyse de texte portant sur la figure du notaire dans la littérature ? Très probablement non (hélas).
D’une connaissance de la réalité du travail au sein d’une étude de notaire ? Encore non, car si cela avait était le cas, ils y auraient vu des jeunes et des femmes, et des hommes vieux aussi, des chefs d’entreprises qui ne comptent pas leur heures, des juristes responsables des actes qu’ils dressent.
Il me semble que l’imaginaire collectif autour de la figure du notaire est le fruit : d’un fantasme populaire bloqué sur un cliché du XIX ème siècle, mélangé à une absence de communication de la profession, auquel on ajoute quelques excès de certains, médiatisés quant à eux, le tout saupoudré d'articles pseudo journalistiques fondés, non sur des connaissances approfondies du sujet mais fondés sur une allègre reprise des lieux communs.
« Mais dans ce domaine, il nous faudra sortir de notre tradition séculaire de discrétion, si nous ne voulons pas être placés au musée des antiquités, en apprenant à communiquer au collectif. »
Maître SENGHOR, Président de l’Union international du Notariat. [2]
Pour faire bref : le notariat se modernise chaque jour un peu plus ! Car oui, la profession sait qu’elle doit s’adapter, se moderniser et s’ouvrir et elle le fait.
- Ouverture aux nouvelles technologies : Dématérialisation des transmissions des actes aux bureaux des hypothèques, signature et actes électroniques, fichier national des testaments informatisés,
- Ouverture intellectuelle : congrès annuel, proposition de réforme législative,
- Ouverture au monde : Mon voyage en est une belle preuve ! Mais ajoutons d’autres exemples :
* création de partenariats internationaux, tels : l'Association des notaires des métropoles européennes, le Centre sino-française de formation et d’échanges notariaux et juridique à Shanghai,
* exportation du modèle et aide à la formation des notaires étrangers comme en Chine, au Vietnam, au Maroc ou en Serbie.
* membre d’organisations internationales, telle l’Union internationale du notariat,
* intervention dans les consulats et ambassades pour conseiller les expatriés.
Un notaire, profession réglementée qu’est ce que c’est ?
Officier public impartial, nommé par le garde des sceaux, le notaire exerce à ce titre une mission de service public de la justice. Il rédige des actes authentiques qui sont, comme les jugements exécutoires et qui disposent d’une exceptionnelle force probante.
Par conséquent, la loi réglemente les conditions d’exercice de la profession :
- les tarifs sont encadrés par la loi : tous les notaires pratiquent les mêmes,
- l’installation des notaires est limitée et encadrée en fonction des besoins de la population.
Il y a donc un numerus clausus. C’est l’Etat qui détermine les espaces géographiques au sein desquels une étude de notaire doit être créée.
- le notaire collecte l’impôt pour le compte de l’Etat, sans être rémunéré pour ce service.
En effet, les fameux « frais de notaires » sont composés de la rémunération du notaire mais aussi et surtout de taxes.
Le notaire est également une profession libérale, il est a ce titre un chef d’entreprise.
Le notaire est un juriste aux multiples domaines de compétences, qui a étudié 7 années de droit. Dans une étude de notaire on parle contrat de mariage, environnement, fiscalité, cession d’entreprise, vente, permis de construire, bail rural. On y anticipe sa retraite ou sa succession, on organise son expatriation, on réfléchit à un projet de crèches ou de stade de football.
EN COLERE, face au projet de loi du ministère des finances dit « Macron ».
Ce que prévoit la réforme, en bref.
C’est une réforme unilatérale qui vise à remettre en cause un système juridique qui fonctionne.
L’objectif est certes louable : l’augmentation du pouvoir d’achat, par la baisse des tarifs et l’incitation à la concurrence.
De façon très schématique, la réforme prévoit :
- le principe de la libre installation des notaires,
- une refonte des tarifs et l'abandon du principe de la proportionnalité des honoraires.
L’objectif sera-t-il atteint ? Cela est bien moins certain. Madame Taubira, Ministre de la justice a d’ailleurs souligné ce point.
« Il est apparu, un moment, à certains, que la libre installation, la libre concurrence, la liberté tarifaire et d’élaboration des actes juridiques seraient de nature à faire baisser les prix et à libérer du pouvoir d’achat. Cette « liberté » janissaire a vite révélé ses faux-semblants.
Au terme de séances de travail chargées en pédagogie, nous avons démontré le bien-fondé des compétences particulières reconnues ou dévolues aux professions. [3]
En effet, « ce projet de loi a pour objectifs affichés de permettre un gain de pouvoir d’achat pour la clientèle, et d’augmenter le nombre de notaires.
Ces deux objectifs ne pourront être atteints par une telle réforme :
ü une grande majorité de nos actes sont d’ores et déjà réalisés en dessous de leur prix de revient. Ces services ainsi que le conseil que nous dispensons régulièrement à nos clients sans facturation témoignent de la forte contribution de notre profession au service public de la justice. Ils ne pourraient plus être effectués dans les mêmes conditions de qualité et d’efficacité. Les études n’en auraient plus les moyens.
ü la liberté d’installation pour les notaires est un leurre. Il n’y a pas de pénurie de service notarial en France et encore moins à Paris et dans sa région. Si parfois des délais trop longs sont constatés, c’est en raison de la multiplication des normes et procédures décidées par les pouvoirs publics et que nous devons appliquer, en cherchant à en réduire au maximum les difficultés qui en résultent pour nos clients.
En revanche, le projet susciterait un droit à la nomination quasi automatique avec l’augmentation du nombre des offices et leur regroupement dans des secteurs privilégiés. Il rendrait beaucoup plus délicat le contrôle permanent des actes et des mouvements financiers des offices. Or, ce contrôle constitue avec l’engagement de la responsabilité collective de la profession, la meilleure garantie que le notariat peut vous apporter. Vous avez besoin, dans la société française d’aujourd’hui, d’études solides et aptes à traiter efficacement et rapidement tous les types de dossiers que vous leur confiez.
Notre profession tout entière rejette cette transformation de notre statut parce qu’elle nous contraindrait à modifier l’esprit-même avec lequel nous exerçons notre métier. Nous sommes des juristes de proximité, participant au service public de la justice. Le droit n’est pas une marchandise. On ne négocie pas la qualité d’un service juridique. »
Source www.paris.notaires.fr
[1] Lettre ouverte complète de Madame La ministre Christiane Taubira, à lire notamment dans le journal Le Monde du 8 décembre 2015.
[2] Discours inaugural du Président nouvellement élu de l’Union Internationale du Notariat Me Daniel-Sédar Senghor, à la Cérémonie de Clôture du XXVII Congrès UINL Lima, Pérou, Samedi 12 Octobre 2013
[3] Lettre ouverte complète de Madame La Ministre Christiane Taubira, ibid
Aucun commentaire pour le moment.